Mardi 10 décembre, les internes en médecine ont entamé une grève illimitée à l'appel de L'Intersyndicale des internes. Certains grévistes ont été assignés notamment au Centre hospitalier de Tours. L'Intersyndicale a mis en demeure l'administration de l'hôpital pour atteinte au droit de grève.
"Soigne et tais-toi", peut-on lire sur le masque de chirurgien d'une des internes grévistes devant le bâtiment principal du Centre hospitalier Bretonneau à Tours.Hier mardi 10 décembre, une centaine d' internes ont décidé de ne plus se taire. Leurs pancartes disent : " Formation au rabais, patients en danger" , "Bac + 12, sept euros de l'heure".
Images réalisées par François-Xavier Mauffrey et montées par Gilles Engels
Les internes, ce sont des médecins en formation, entre 7 et 12 ans d’études, qui sont à temps plein à l’hôpital ou en cabinet.
Ces étudiants en médecine n'ont jamais fait grève avant mais là ils sont à bout. Ils dénoncent leurs conditions de travail et de rémunération ainsi que la réforme du troisième cycle qu'ils jugent mal préparée et néfaste à leur formation.
"Entre la réforme du troisième cycle qui nous laisse dans un flou total, les heures qui ne sont pas payées, le fait qu'on ne puisse remplacer des spécialistes qu'en dernière année ou encore que pendant cette même dernière année nous puissions travailler sans titulaire comme si notre formation était terminée. Tout ça c'est trop et c'est dangereux pour les patients," nous confie une interne derrière son masque de chirurgien.
Ils dénoncent leurs conditions de rémunération
Plus de 65 heures par semaine pour 1450 euros net par mois. Jusqu'à 110 heures en chirurgie ou aux urgences. Des gardes de 12 heures de nuit payées 105 euros net. Les internes veulent plus de respect et que leurs heures de travail soient rémunérées.
"Travailler beaucoup ne nous dérange pas parce qu'on adore notre travail mais normalement notre contrat de travail prévoit 48 heures hebdomadaires. Le reste n'est ni rémunéré ni comptabilisé", constate Kristen Joseph-Delaffon, interne en pédiatrie et trésorier du syndicat des Internes en Médecine de la région Centre-Val de Loire.
Jusque là, les internes grévistes dénonçaient la politique du gouvernement en matière de rémunération et de formation des futurs médecins. Hier c'est contre l'administration de l'hôpital qu'ils étaient en colère.
"L'administration a forcé des internes grévistes à venir travailler"
La grève des internes en médecine devait se caractériser par le fait que les internes n'aillent pas faire leurs gardes et leurs astreintes donc ne travaillent pas de nuit.En fait, "l'administration de l'hôpital en a décidé autrement ", nous explique Kristen Joseph-Delaffon.
" Elle a forcé des internes grévistes, une dizaine pour le moment sur le CHU de Tours, à venir travailler la nuit pour les gardes et les astreintes pour éviter que les praticiens hospitaliers ne le fassent", poursuit l'interne en pédiatrie.
Des internes auraient aussi été assignés à Dreux, Paris et Marseille.
Pour ces jeunes qui n'ont pas l'habitude de la grève c'est un coup de massue. " Cela nous met dans une colère noire. C'est un bafouement du droit de grève qui est universel et c'est un bafouement du droit des internes plus spécifiquement", conclut l'interne, écoeuré.
"Les assignations n'ont pas été faites dans les règles. Certains l'ont appris 5 minutes avant de prendre leur service. L'assignation doit être remise en main propre contre signature de l'interne gréviste. Par ailleurs, les affaires médicales ont refusé d'assigner des praticiens titulaires en priorité comme l'impose la loi, " nous explique Valentin Maisons, chargé de communication du Syndicat des Internes en Centre-Val de Loire.
Interview réalisée par Marine Rondonnier et François-Xavier Mauffrey
L'InterSyndicale Nationale des Internes (ISNI ) a mis en demeure la direction des centres hospitaliers qui ont assigné des internes grévistes par l'intermédiaire de leur avocat du Barreau de Paris Maître Bakhtiari pour atteinte au droit de grève.
L'ISNI prévoit une nouvelle action vendredi intitulée Black Friday et mardi prochain pour la journée de mobilisation à Paris pour la défense de l'hôpital public.
nos patients. Donc on va se concentrer sur les actions importantes des prochains jours mais il est difficile pour nous de faire grève tous les jours", nous confie Valentin Maisons, interne en néphrologie avant de retourner dans son service.
La réponse du Centre hospitalier de Tours
Contactée ce matin par téléphone, la direction de la communication du Centre hospitalier de Tours nous a envoyé ce communiqué en fin de journée : "Le CHU réalise les assignations des internes dans le cadre de ses missions d'employeur public pour assurer la continuité des soins. Il ne s'agit pas de réquisitions qui s'exercent dans un cadre différent et relèvent du représentant de l'Etat."
L'administration de l'hôpital a-t-elle le droit d'assigner des internes grévistes ?
- L’assignation est l’acte par lequel le directeur de l’établissement dresse la liste nominative des personnels dont la présence est indispensable pour assurer la continuité du service public.Dans les hôpitaux publics, le directeur fixe « les limites du droit de grève"
- les praticiens séniors volontaires
- les praticiens séniors non volontaires mais disponibles et en situation d’être assignés
- les internes non grévistes
- les internes grévistes
L’assignation émane de la direction de l’établissement.
- Assignation à ne pas confondre avec la réquisition de personnels grévistes
Cette mesure peut concerner tous les personnels, y compris les internes, de tout établissement ( de santé, social ou médico-social ). Il s’agit d’une mesure exceptionnelle et, comme pour l’assignation, le ministère de la Santé considère que « la réquisition d’un interne ne pourrait se justifier qu’en dernier recours ».
- Les recours juridiques
En cas d’atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit de grève, l’interne qui s’estime injustement assigné ou requis peut introduire une requête de référé-liberté.
Le juge des référés se prononce dans un délai de 48 heures : il s’agit d’une procédure d’urgence.
Le dossier est constitué de la requête de référé-liberté et de l’ensemble des pièces qui permettent de justifier de l’atteinte à une liberté fondamentale et de l’urgence de la situation.
La procédure est gratuite, l’assistance d’un avocat spécialisé en droit administratif est facultative.
En cas de rejet de la requête, il est possible de faire appel devant le Conseil d’Etat dans un délai de 15 jours maximum. Le Conseil d’Etat statue également sous 48 heures. L’assistance d’un avocat aux Conseils est en principe obligatoire.
Recours devant le Tribunal administratif
Il est possible de contester a posteriori le bien-fondé d’une assignation ou d’une réquisition devant le Tribunal administratif.